[Permacomptabilité / Philosophie]
Auteur : Charles Judes
Décembre 2021
Le colibri : hommage à Pierre Rabhi (mai 1938-décembre 2021)
Introduction par Pierre Rabhi :
Vers un hommage à la peur ou à l'apaisement ?
Partir des besoins humains et non-humains fondamentaux ...
Dans le passé, le manque de compréhension de la complexité et des défis majeurs, en lien à nos connaissances limitées, nous donnait le droit à l’erreur lors de développements technologiques.
Aujourd’hui, à l’heure de la big data et de l’avènement de la science quantique, nos connaissances sont en constante et exponentielle évolution. Les moyens sont déjà à l'œuvre pour accélérer davantage le pas : machine learning, natural language, métaverse de Facebook, implants neuronaux d’Elon Musk ...
Notre économie, dans son pilotage inconscient de réalités virtuelles couplées et totalement dépendantes à une économie extractiviste, ne cherche plus à entraîner nos comportements déshumanisés à se tourner vers une vision culturelle des notions spirituelles de maintien et de préservation du vivant : humains et non-humains.
Ce voile d’inconscience éducative et de conditionnement des consciences pour répondre à la demande ultra consumériste renforce alors des clivages interindividuels autour des réalités vraies, celles-ci incluant les vrais besoins et l’émergence des consciences sensorielles en lien aux ressentis vécus.
Ce comportement sociétal structurel amène alors à des déficits en capabilités individuelles ou collectives, ceci impactant directement les capabilités écosystémiques desquelles dépendent l’émergence de nos consciences (qualité de l’eau, qualité de l’air, qualité des aliments, beauté du paysage, culture ancestrale, compréhension de la biorégionalité territoriale …).
Cela impacte alors notre autonomie territoriale, notre résilience territoriale ainsi que notre coopération territoriale, face à des enjeux toujours plus croissants faute de quête d’équilibre.
Dans un contexte entièrement déconnecté de la réalité vivante, l’homme qui sait (homo sapiens) semble cependant chercher à devenir homme conscient ou homme qui ressent (homo sentiens). Dans un monde pollué ou chaque respiration est comptée, il semblerait qu’une série de besoins naissent, faisant émerger de nouvelles consciences élevées des transformations en cours.
La connaissance des neurosciences ou des fonctionnements psycho socio biologiques humains et non-humains nous amènent à d’autres horizons de prise en considération de la notion de conscience. Au vu du défi civilisationnel actuel, poser en décret cette posture holistique nous permettra de conserver un droit à l’erreur non plus inconscient mais conscient. Cela change tout quand nous savons en conscience que chacun de nos gestes compte pour servir à notre planète ou à notre humanité.
Manfred Max-Neef, économiste chilien et prix Nobel alternatif, identifie neuf besoins fondamentaux : subsistance, protection, affection, compréhension, participation, loisir (« Avoir du temps à soi » / relation au temps), créativité, identité, liberté.
Mis à part le besoin de subsistance qui, à l’extrême de son insatisfaction, conditionne l’existence même du sujet, les autres besoins ne sont pas en relation hiérarchique les uns envers les autres et tous se trouvent, selon Max-Neef, en interaction systémique :
« Cela signifie, d’une part, qu’aucun besoin n’est intrinsèquement plus important qu’un autre et, d’autre part, qu’il n’existe aucun ordre imposé d’apparition des besoins. Les besoins humains se caractérisent par la simultanéité et la complémentarité ainsi que par les transactions qui peuvent se faire au sein du système qu’ils forment »
Selon Max-Neef, les neuf besoins sont fondamentaux et communs à tous les êtres humains. A l’inverse, les facteurs de satisfaction des besoins varient dans le temps et selon les cultures, on en verra privilégier certains au détriment des autres selon les lieux et les époques. Chaque système économique, social et politique adopte différentes méthodes de satisfaction des besoins humains fondamentaux quand il le peut.
Dans le processus de satisfaction des besoins, Manfred Max-Neef distingue aussi ce qu’il appelle quatre «catégories existentielles» : l’être, l’avoir, le faire et «l’interagir». Il propose une matrice croisant les neuf besoins fondamentaux et les catégories existentielles, afin de déterminer des réponses pour satisfaire ces besoins (voir tableau dans le prochain paragraphe).
... pour aller vers des volontés sociétales fortes.
La permacomptabilité a pour objectif de faciliter la connexion des 4 volontés terrestres (vivante, matérielle, intellectuelle, culturelle) aux 4 volontés supra terrestres (spirituelle, monétaire, sociale, expérientielle). L'étape de connexion entre le bas (terrestre) et le haut (supra terrestre) représente une volonté en soi, nommée volonté méta cognitive ou existentielle, vers le spirit-rituel. Cette volonté découle de pratiques rituelles (avec sa communauté, son groupe de travail, ses voisins ...), incluant l'intégration de la notion de filiation (corps <> esprit) et de spéciation (il s'agit du processus évolutif par lequel de nouvelles espèces vivantes se forment à partir d'ancêtres communs - Wikipédia).
Ces 9 volontés sont aussi 9 étapes de montée en conscience vers une économie régénérative.
Ensemble, elles forment un champ de force multipolaire, appelé également conscience unitaire.
Ces volontés germent la plupart du temps quand le terreau vivant est fertile, et que les volontés émotionnelles et intellectuelles sont discernées dans un cercle communautaire familial, scolaire ou professionnel.
Par exemple :
Une émergence des volontés lente et sociétalement couteuse en termes de maladies : Ma communauté achète des aliments industriels transformés sans goût, ternes et sans valeur nutrimentale = je ne connais rien d'autre malgré mon ressenti sensoriel neutre voire négatif / prix ressenti émotionnel positif => dans le temps le conditionnement du goût par le sel et la crème fraîche permet alors de substituer à cette fadeur => je continue à consommer hypermarché => fermeture de conscience (conditionnement marketing / sémantique hyper consommation) => je développe une maladie des reins => déconditionnement progressif => ouverture de conscience individuelle + et développement de volontés individuelles + => ma vitalité est --- => ma communauté n'est pas forcément davantage consciente et ne répond donc pas à ses besoins vitaux.
Une émergence des volontés plus rapide, anticipant les maladies et développant la connaissance : J'achète des aliments biologiques non transformés beaux, bons et sains = ressenti sensoriel positif / prix ressenti émotionnel positif (si achat en filière courte, voire à la source dans une micro-ferme en permaculture) => dans le temps le conditionnement du goût par la qualité en terme de vitamines, de couleurs permet d'accéder à une meilleure santé mentale et physique => ouverture de conscience (déconditionnement naturel) => je cherche systématiquement à acheter auprès de producteurs locaux en permaculture => je gagne en connaissance ++ (K intellectuel) et en lien culturel homme-nature +++ (K permaculturel) => conscience individuelle et collective +++ et développement de volontés individuelles et collectives +++ => ma vitalité est +++.
Nous pouvons voir que la vitalité énergétique est une variable primordiale à ne pas omettre dans la conception de nos modèles d'organisations, il s'agit même de la principale métrique à observer avant la notion même de besoin : commencer par rêver et se détendre avec soi-même, aller vers une sérénité dans l'ÊTRE en RELATION AVEC LE VIVANT. Des acteurs comme ECOintention proposent aujourd'hui de mettre cette dynamique au cœur des modèles, et les résultats sont très satisfaisants, voire surprenants.
Le monde d'aujourd’hui est quelquefois vu par des pensées irrationnelles comme hostile et négatif ... Cependant il est bon de se rappeler que ce système en perpétuelle mutation, permet naturellement de faire émerger des consciences et volontés peu importe les contextes endogènes (intérieur) et/ou exogènes (extérieur). Cette évolution se fait ou ne se fait pas. En milieu vivant, la cristallisation d'une pensée régénérative évolutive se manifeste généralement dans la dynamique du FAIRE et de l'INTERAGIR (notion d'actif et de mouvement). Ceci se combine alors dans l'ÊTRE et impacte alors la nature de l'AVOIR, les qualités intrinsèques impactent les choix à FAIRE et améliore davantage l'INTERAGIR.
La spirale est vivante et évolutive.
Pour accélérer cette émergence de façon sociétale, une voie consiste à développer pleinement la permaculture au sein de nos organisations et de nos communautés pour accélérer cette montée en conscience positive et vertueuse !
Extrapolation des 9 besoins de Max Neef avec les 9 volontés permacomptables endogènes ou exogènes
« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » Rapport Brundtland : « Notre avenir à tous », 1987, ONU (Commission mondiale sur l’environnement et le développement), présidée par Gro Harlem Brundtland
Comment mettre en synergie les consciences pour préserver le Vivant et mettre en marche le changement ?
La réponse aux besoins n’est pas un processus binaire au terme duquel un besoin est simplement satisfait ou non satisfait. Doivent être examinés l’adéquation de la réponse et ses effets secondaires sur le système tout entier.
Une réponse peut contribuer simultanément à satisfaire plusieurs besoins et inversement un besoin peut générer plusieurs réponses possibles.
Chaque besoin est satisfait à des niveaux différents, des intensités différentes et selon trois contextes relatifs à l’individu lui-même dans le JE (K vivant), le groupe social dans le NOUS (K social) et l’environnement dans le PAYS-UNIVERS (K monétaire multidimensionnel, informationnel et transactionnel).
Ce triple axiome est représenté en permacomptabilité par un axe moteur : celui du bien-être sociétal.
Max-Neef distingue ainsi cinq qualités de réponse aux besoins humains fondamentaux :
La « réponse destructive » est paradoxale. En même temps qu’elle satisfait un besoin donné, elle annihile la satisfaction adéquate d’autres besoins (course aux armements, censure, bureaucratie…)
La « pseudo-réponse » qui annule, à plus ou moins long terme, la possibilité de satisfaire les besoins qui initialement devaient être satisfaits à court terme (exploitation forcenée des ressources naturelles, modes, publicité, propagande,…)
La « réponse inhibitrice » qui satisfait un besoin en inhibant d’autres besoins (habitudes et rituels, permissions illimitées, ultra-libéralisme, surprotection familiale, paternalisme…)
La « réponse singulière » ne satisfait qu’un seul besoin et est neutre vis-à-vis des autres besoins (programmes alimentaires classiques, médecine curative, spectacles de sports, nationalité..)
La « réponse synergique », quant à elle, intervient simultanément sur plusieurs éléments du système (production autogérée, éducation populaire, médecine préventive, jeux éducatifs, organisation communautaire démocratique, démocratie participative…).
Selon Max-Neef, les quatre premières catégories de réponses sont usuellement imposées, ritualisées ou institutionnalisées : du fait de leur caractère exogène, les réponses ne venant pas directement des acteurs concernés peuvent être des réponses qui ne satisfont pas suffisamment les besoins des acteurs concernés (et en particulier les besoins locaux).
La réponse synergique est plus endogène car elle porte elle-même l’idée d’associer les acteurs concernés.
Qu’elle soit endogène ou exogène, la réponse doit être la plus synergique possible.
Aller vers une synergie homme-nature demande de réfléchir de façon sociodynamique :
En effet, la sociodynamique propose d’analyser le degré de synergie et d’antagonisme des acteurs vis-à-vis d’une politique, d’un objectif, d’un projet.
Dans une relation homme-nature, chacun investit de la synergie (ce qui rapproche) et de l’antagonisme (ce qui éloigne). Nous pourrions parler de polarités + ou -.
Cependant, pour amener à une synergie entre les 8 capitaux qui régissent notre monde existant pour permettre de répondre aux besoins fondamentaux civilisationnels et pour permettre une adaptation au changement et une synergie inter espèces, nous voyons que ne pouvons réfléchir de façon linéaire et simplement binaire 1 ou 0. Le système est en effet intriqué, complexe et multimodal.
Cela fait penser aux fameux Qubit dont nous entendrons de plus en plus parler, en lien à la recherche fondamentale sur les technologies quantiques, tel que défini ici :
Comment faire pour faire résonner nos synergies ?
En termes de polarités sociodynamiques, nous ne pouvons pas réduire le comportement d’un acteur de cet écosystème à une seule dimension + ou -, 0 ou 1 vis-à-vis de chacun des 8 capitaux avec lesquels il interagit. Nous sommes en effet sur un ordre circulaire quantique multidimensionnel et polaire immanent/transcendant.
La contraction ou l'expansion des vecteurs de force intrinsèques à une espèce vivante (en terme de vitalité et d'énergétique) se fait de façon équilibrée à partir de la source énergétique atomique, au centre même des atomes qui constituent nos réalités. Cette dynamique permanente nous permet d'observer de magnifiques formes dans la nature : trèfle à 4 feuilles, étoile de mer, chou romanesco, tournesol, corail, fractales ... ou dans les constructions inspirées de la nature : géométrie sacrée, cathédrales, temples ...
Même si notre monde semble être devenu linéaire (bâtiments carrés, routes bétonnées ...), cette dynamique de réadaptation vibratoire intrinsèque est constante et s'adapte aux contextes de résonance extrinsèques de façon non linéaire.
Il suffirait alors de "trouver l'équilibre" !
Pour comprendre ce concept d’une géométrie d’équilibre parfait, nous nous tournons vers le travail pionnier de Buckminster Fuller qui a le premier discerné cette géométrie en 1917 et l’a appelé équilibre Vecteur en 1940, ou Vector Equilibrium.
Comme forme géométrique, il est connu comme un cuboctaèdre, mais en tant qu’expression de l’équilibre ultime, il lui a donné ce nom pour décrire son état énergétique – les vecteurs sont tous de longueur et rapports angulaire égaux. Le VE, comme on l’appelle aussi, est la seule géométrie qui remplit cette condition. Voici à quoi il ressemble :
Vector equilibriuum
Avec des vecteurs exactement de la même longueur et de même relation angulaire, le VE représente d’un point de vue énergétique, la condition ultime et parfaite dans laquelle le mouvement de l’énergie vient à un état d’équilibre absolu, et donc de silence absolu et de vide absolu. Cela fonctionne aussi pour l'homme !
Comme Fuller le précise, c’est en raison de cela qu’il est la phase nulle à partir de laquelle toutes les autres formes émergent (ainsi que tous les événements dynamiques d’énergie).
Selon les propres mots de Fuller …
« Le Vector Equilibrium est le point zéro de départ pour tout évènement ou non-évènement : c’est le théâtre vide et le cirque vide et l’Univers vide qui est prêt à montrer n’importe quel action à n’importe quel public »
Comme le déclare Fuller, c'est pour cette raison que c'est la phase zéro à partir de laquelle toutes les autres formes émergent (ainsi que tous les événements énergétiques dynamiques). Dans les propres mots de Fuller :
« La connexion à soi/à l'autre dans le mouvement et l'immobilité (dynamique de concentration active, appelée aussi l'éveil : voir yoga par exemple) apparaît comme une des clés primordiales de l'évolution et de l'émergence de nos volontés sociétales, cela réside intrinsèquement dans notre capacité ou non à trouver l'équilibre dans un contexte qui ne le permet pas toujours. Les sanctuaires 8k sont de plus en plus nombreux, il suffit de chercher autour de vous (exemple de La Kambrousse en Normandie ou du Jardin du Roc..K à Ploërmel).» Charles Judes
Aller vers une planète belle et saine est la solution primordiale à notre actuel défi, il nous faut tout simplement nous connecter à la vitalité de la nature. Si elle n'existe plus dans nos villes, notre rôle est partir à sa recherche et de lui donner à nouveau sa chance. Car la nature est subtile et généreuse, ses connaissances sont abondantes et fort utiles pour l'homme.
Sans tabou, faisons de la monnaie une devise vivante d'échange et de coopération autour de sujets vivants !
Car la terre est vivante !
Sources :
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