[Permacomptabilité / 8 capitaux]
Auteur : Antony Thiodet
Juin 2021
Antony Thiodet travaille en milieu sportif, délivre des formations de chargé de clientèle s’appropriant les principes permacoles. Antony Thiodet et Pierre-Olivier Matigot ont co-fondé Time For Biz, en 2016. Sur une conviction que le sport professionnel se devait de renforcer ses structures, professionnaliser et repenser ses fondamentaux pour se tourner vers l’avenir. « Gagner des matchs est une fin, pas un moyen de développement », constituait souvent leurs premiers mots adressés aux dirigeants de clubs.
Aujourd’hui, entre évolution profonde de la société et les changements radicaux qu’entraîne la période que nous traversons, ils estiment qu’il faut, au sport, se repenser rigoureusement… tout en revenant à ses valeurs et vertus fondamentales. À son essence même. Ce qui fait son ADN. D’où un indispensable changement d’identité vers l’Adéenne du Sport.
En savoir plus sur : https://ladeenne-dusport.fr/
Il expérimente depuis maintenant 2 ans le Cadre de création de richesse Permacomptabilité basé sur 8 formes de capitaux (cliquer ici pour en savoir plus), voici son témoignage qui fut rédigé lors du Booksprint Permanagement en juin 2021.
Merci à lui pour ce précieux témoignage.
Genèse des sports collectifs
Quand James Naismith, pasteur anglican, invente le Basket-ball à la fin du 19ème siècle, il est animé par un objectif pratique : occuper les jeunes gens placés sous sa tutelle pendant les longues et pluvieuses périodes hivernales. Sont notamment à sa disposition une salle « YMCA » composée notamment d’une piste située en pourtour de la salle, en mezzanine, à 3,05m de haut (une réplique de cette salle est accessible rue de Trévise à Paris), des épuisettes et des ballons de football.
Dans un inconscient réflexe de recyclage, il lui vint l’idée de fixer les épuisettes à la piste, les faisant pendre dans la salle, et de proposer aux jeunes gens qu’il encadre de lancer les ballons dans les épuisettes. Il inventait ainsi le premier jeu d’adresse consistant à lancer un projectile dans une cible horizontale. De l’intégration de cette nouvelle dimension résultait une difficulté encore jamais rencontrée dans le domaine des jeux de balles.
Outre le fait qu’il s’est imposé bien vite la nécessité de couper le fond des filets pour s’épargner d’avoir à monter sur la mezzanine pour récupérer le ballon, après avoir pris le temps d’observer la façon dont les enfants évoluaient, avoir interagi avec eux, James Naismith commençait à élaborer les « règles du jeu ». Elles visaient certains objectifs clairement établis :
susciter la collaboration entre les membres d’une équipe, puisqu’’il est rapidement apparu qu’un joueur ne pouvait parvenir seul à introduire le ballon dans une cible posée à 3,05 m
rendre cette collaboration plus indispensable encore en introduisant la règle du « retour en zone », soit la concentration des deux équipes dans une seule moitié de terrain ;
imposer des choix rapides, susciter l’intuition et l’inventivité, en limitant le temps de possession du ballon à une minute (limite passée depuis à 24 secondes).
Ces règles de basket, par un lent processus d’ajustement permanent, continuent à évoluer chaque année sous l’égide des organes gouvernants, FIBA et NBA. En développant ce jeu, ce qui est immédiatement apparu à James Naismith c’est qu’ il valorisait les différences et facilitait l’intégration de tous plutôt que le rejet.
Cette référence au basket pourrait être étendue à tous les autres sport collectifs. Tous avaient initialement des visées éducatives, des objectifs pédagogiques et d’intégration. Ce qui a conduit :
L’Etat français a réintroduit, depuis une quinzaine d’années, le Ministère des Sports, devenu un temps Secrétariat des Sports, dans les Ministères plus vastes de la Cohésion Sociale puis de l’Education ;
La Communauté Européenne a ancré sa définition du sport dans ce qu’elle a identifié comme étant ses fonctions fondatrices, celles d’éducation de la jeunesse, de création de lien social, de promotion de la santé, sans omettre sa fonction culturelle. A celles-ci, a été adjoint une autre fonction, celle de production de spectacle.
Ce dernier complément proposé par la Communauté Européenne, conduit le monde du sport à monétiser ses contenus, puisque la production d’un spectacle appelle à sa consommation. C’est l’avènement du “sport-spectacle”.
En cela, le fait sportif mérite analyse. En effet, cette mutation d’une activité pédagogique à une activité marchande semble être l’apanage du secteur sportif, et les dérives engendrées par cette mutation, forcent les puristes du mouvement sportif à s’interroger sur la nécessité de faire émerger un nouveau référentiel, protégeant des agressions mercantiles, les valeurs associées au sport.
Les enjeux du sport
L'adéenne du sport Mag Octobre 2022
Le sport constitue un vaste écosystème qui s’étend de la maman qui va faire un footing matinal aux stars du football aux prises sur l’Euro 2021. Nous circonscrirons ici notre propos à l’analyse des seuls clubs professionnels localisés au carrefour de multiples enjeux en lien avec le Sport.
Pour commencer, précisons que la Loi régissant le sport en France a imposé :
Que les sections professionnelles des clubs soient constituées en Société Commerciale dont l’objet est exclusivement circonscrit aux évolutions de l’équipe professionnelle concernée.
Que ces sociétés commerciales soient obligatoirement attachées à des associations supports, dont l’objet est exclusivement tourné vers la gestion des équipes amateurs, et notamment des équipes de jeunes du même club. Les sections professionnelles activent, pour les compétitions auxquelles elles participent, les numéros d’affiliation des associations supports.
L’objectif du législateur était double :
Protéger le club support de potentiels errements financiers liés à l’équipe professionnelle et s’éviter que des dérapages sur une équipe entraîne la disparition de toutes les autres dans un même club ;
Conférer à l’association support un droit de regard sur les évolutions de l’équipe professionnelle.
Il en a résulté, le plus souvent, plutôt que collaboration entre ces deux entités par un sain processus d’intégration, des tensions et points de friction entre celles-ci. Et l’émergence d’une situation où deux mondes, pourtant issus d’une même filiation, se tournent le dos, ne pensant qu’à préserver ses prérogatives, à en maximiser les effets, sans développer de synergies.
Alors, la section professionnelle n’a plus considéré que la quête de performance de son équipe, des objectifs court-termistes au mieux inscrits dans le cycle de la saison en cours , parfois inscrits dans le cycle du prochain match à jouer.
Les enjeux liés au court-terme ont le plus souvent été amplifiés par le modèle économique ayant résulté de l’émergence de la fonction spectaculaire et ses accessoires de recettes de sponsoring et de droits télévisuels : A un match gagné finissait par correspondre des enjeux financiers parfois vitaux (songez qu’un point de plus sur une saison de Ligue de football peut générer des millions d’€uros de recettes supplémentaires). Évidemment, quand de tels enjeux se trament, l’obsession du court-terme l’emporte. Sans plus aucune source d’équilibre avec d’autres considérations inscrites dans un cycle plus long puisque l’ensemble des autres fonctions n’est structurellement attaché qu’à l’association support, une autre entité juridique conduite par une autre gouvernance.
Et du côté de cette association support, comment les choses se passent ?
Comme intoxiqué par le poison du court-terme qui prévaut à l’échelon professionnel, notamment via la puissance de la médiatisation qui y est associée, les acteurs des associations supports se sont eux aussi enfermés dans les seules considérations de résultats sportifs court-termes considérés comme le moyen d’atteindre des objectifs par ailleurs le plus souvent mal définis. Voilà ce qui conduit un éducateur (ne se considérant que comme entraîneur) à enfermer un enfant de 7 ans dans un rôle exclusif plutôt que de lui faire découvrir la diversité des rôles d’une équipe, au motif qu’à ses yeux cet enfant ne serait pas doté de talent.
De quel talent parle-t-on ? De celui pouvant éventuellement le conduire à passer à l’échelon professionnel ?
Mais alors le choix de l’éducateur serait motivé par la prise en compte d’un événement n’ayant que 0,007% de chances de se produire.
Ou de son talent de citoyen qu’il conviendrait alors de nourrir puisqu’il a 100% de chances de devoir l’exprimer un jour.
Réalisez le « déchet humain » qui résulte de ces pratiques ! En circonscrivant le parcours d’un jeune sportif à ses seules capacités de sportifs, on le coupe de toute perspective de se réaliser mieux, en tant qu’homme, par la pratique sportive. Plus nocif encore : on altère parfois le développement humain de jeunes sportifs en sacrifiant d’autres sources d’épanouissement à la seule prise en compte de son développement sportif. Par exemple, certains clubs n’hésitent pas à « sourcer » les jeunes talents dans un vaste territoire et donc à leur imposer parfois deux ou trois allers- retours d’une heure et plus par semaine, ce qui n’est pas sans impact sur leur développement. Ces errements conduisent à de forts risques auxquels on expose les pratiquants : On les engage dans l’illusion d’une performance sportive (qui ne les nourrirait d’ailleurs que sur une courte période de leur vie) en les coupant de toute autre forme de performance humaine. Et quand l’événement qui n’a que 0,007% de se produire ne se produit pas, le jeune sportif en vient à constituer un « déchet » qui sera difficilement.
Commencer à s’approprier, dans un club sportif, sur des considérations permacoles résulte de la prise en compte de cette réalité. Et donc de mesurer les effets de ce qui est entrepris dans le club non plus seulement via l’indicateur qui prévaut, les résultats sportifs, mais via d’autres indicateurs qui couvriraient ce qu’étaient les fonctions initiales attachées à la pratique sportive.
Un club, acteur majeur de la fabrique d’une communauté
Évidemment, un club est attaché à son territoire. En ce qu’il le représente puisqu’il porte son nom. En ce qu’il y est accroché, puisqu’à la différence de ce qui se fait par ex. aux États-Unis, un club ne peut être transféré d’un territoire à un autre. En ce que bien souvent les clubs sont nés d’élans corporatifs au sens de l’implication d’un puissant acteur économique local qui a pris l'initiative de sa création : Peugeot pour le FC Sochaux, Casino pour l’AS Saint-Etienne, les docks pour les Girondins de Bordeaux.
Aussi, pour garantir sa pérennité, un club ne doit jamais oublier sa fonction de représentation de la communauté dans laquelle il évolue.
Par quoi se traduit cette dimension de représentativité ? Par le seul fait que le club obtienne des résultats sportifs rendant fiers les membres de la Communauté ? Et alors cette vocation de représentativité viendrait nourrir l’écueil précédemment évoqué, soit que le seul indicateur à prendre en compte serait celui enfermant le club dans une seule logique court-termiste.
Quand aux Girondins de Bordeaux le club a pris le temps d’interroger ses parties prenantes, dans une logique de co-construction, animé par des intentions de captation de l’énergie constituée par les membres de la communauté, de valorisation de la diversité, il a constaté que 95% des personnes ayant répondu que les Girondins de Bordeaux constituaient autre chose à leurs yeux qu’une équipe disputant un championnat et orientée vers la victoire !
Mais alors qu’est-ce que devait être le Club pour satisfaire leurs attentes ?
Une nouvelle enquête, motivées par l’évidence qui s’impose de la nécessité d’une observation profonde de l’environnement, et d’interaction avec lui, a conduit le club à identifier que le club était essentiellement attendu sur la dimension du vivre ensemble : faciliter les points de contact entre les membres diverses de la communauté, leur permettre de partager des émotions, se nourrir de leurs différences.
Le fait est que si la diversité a notamment et naturellement pénétré les aires de jeu, avec de plus en plus de représentants des minorités dotés de la fonction centrale de production des contenus, elle n’a généralement que trop peu été concrétisée autour du terrain. Dans les tribunes où toutes les disciplines souffrent d’un déficit de représentativité des femmes (11% seulement de femmes dans les stades de football) et des minorités. Dans les staffs où force est de constater que très rares sont les présidents, les cadres, les entraîneurs issus des minorités. A force d’avoir manqué de vigilance sur les nécessaires processus d’intégration, les clubs ont laissé la ségrégation s’installer. Comme un fossé qui se creuse entre ceux qui produisent le contenu, qu’il soit spectaculaire ou éducatif, et ceux qui le consomment ou le managent. Avec cette sensation que les clubs sont devenus des entités hors-sols, cessibles d’un fonds de pension à un autre.
Quel palliatif à ces errements ?
En revenir d’abord à l’observation du tout, de l’environnement dans lequel évolue le club. À la clarification de la raison d’être en fonction de cette observation. À l’élaboration d’un design d’implication du club dans la communauté, en passant du motif au détail, soit de la définition de la mission à l’élaboration des plans d’action destinés à ré-enraciner le club. À un souci permanent de l’intégration des diversités pour s’en nourrir. À la capacité à identifier où émergent les zones de rencontres potentiels entre les divers univers et à les sanctuariser. A considérer que le sport étant avant tout une activité humaine, les changements doivent se conduire dans un temps suffisamment long pour s’ouvrir des opportunités d’ajustements permanents et de rétroaction.
Deux anecdotes pour illustrer tout ou partie de ces considérations :
Quand ils en viennent à reconfigurer les centres d'entraînement de leur section professionnelle, tous les clubs en font des bulles fermées, inaccessibles à tout autre que les utilisateurs primaires, joueurs et staffs. On isole ceux-là de la Communauté. Et à force de les rendre inaccessibles, on finit par encourager les prises d’assaut, soit les élans incontrôlés de ceux qui, légitimement (à défaut que ce soit légal), estiment être en situation de se réapproprier ces lieux dès lors qu’ils constituent à leurs yeux une partie de leur patrimoine. Agir dans un esprit d’ouverture inverse, faire de ces centres des espaces publics, aurait conduit à faire naître des marges, des zones de rencontres entre les joueurs et leurs fans, à faciliter des échanges permanents et constructifs, à faire des joueurs des citoyens immergés dans leur environnement à qui in-fine on aurait fini par plus pardonner en cas de contre- performance. Tant qu’en tout cas leurs comportements restent conformes aux valeurs de la communauté qu’ils représentent. Quand le RC Toulon continue à déposer ses joueurs sur le parvis du stade les jours de match, pour les immerger dans un bain de foule sincère et naturel, il traduit cette intention.
A contrario, quand à Villeurbanne je me mets à l’écoute de la puissance publique, la Mairie et le Grand Lyon, pour mieux comprendre leurs problématiques et enjeux, j’en viens à construire des plans d’actions structurants positionnant le club de l’ASVEL comme un interlocuteur engagé. Et je revitalise la nature des relations entre les parties en faisant de la négociation des subventions non plus un exercice d’hypocrisie consistant à maquiller l’octroi de deniers appelés à financer une partie des salaires de joueurs américains absolument insensibles au territoire en opérations d’intérêt général mais une opportunité de faire ensemble.
Tout est à disposition pour les clubs pour se ré-ancrer profondément dans leur territoire. Tout vient des racines. Encore faut-il faire l’effort de les localiser et de les revitaliser.
Retour à l’équilibre
L'adéenne du sport Mag Octobre 2022
Avec la crise sanitaire, les déséquilibres qui prévalent dans les clubs et qui découlent de l’étroitesse de leurs indicateurs de performance ont été amplifiés.
Certaines bulles inflationnistes – droits TV – ont explosé. Certaines autres sources de revenus – billetterie - ont été amputées. Le modèle déjà fragile s’est dangereusement érodé. La survie même des clubs est en jeu.
Comme par réflexe, certains des acteurs se sont réfugiés dans l’amplification de leurs actions de RSE. Le plus souvent à la surface des choses, avec un manifeste manque de sincérité : suffit-il de visiter des enfants dans des hôpitaux pour se prévaloir d’une forme respectable de responsabilité sociale.
En fait, c'est une recomposition au fond des projets des clubs sportifs qui est appelée. Pour l'émergence d’un modèle nouveau redonnant équilibre et durabilité.
Défi : se redéfinir une raison d’être en adéquation avec ce que sont les fonctions fondatrices de la pratique sportive, et plus seulement ses fonctions spectaculaires. De cette raison d’être pourrait ensuite découler la bascule vers des statuts de société à mission qui imposeront une gouvernance ouverte et élargie, sujette à implication des parties prenantes et terreau d’un ré- ancrage fort. Certains clubs se sont louablement engagés dans cette voie. Mais ces évolutions suffiront-elles à leur redonner durabilité et à les inscrire de manière respectueuse à leur environnement.
Pour aller plus loin, la permacomptabilité© propose un guide qui ouvre ensuite à des perspectives de mise en place de métriques permettant d’évaluer sa performance sur d’autres aspects que les strictes considérations sportives ou financières, et de mesurer sa progression.
L'adéenne du sport Mag Octobre 2022
Au sein du Club de sport, les 8 capitaux se traduisent de la façon suivante :
Le capital vivant est composé par tous ceux qui font la vitalité d’un club. Dans leur diversité d'âge, de statuts (bénévoles, encadrants, professionnels), d’engagement (dans la durée ou ponctuellement), etc… Ceux-là sont à prendre en compte à titre individuel mais plus encore à titre collectif puisque par essence l’expression d’une équipe représentant un club sportif se concrétise d’abord et avant tout collectivement. Une considération que bien des clubs ont oublié ou détourné, considérant que l’émergence d’un talent collectif ne résultait que de l’agrégation de talents individuels. Le collectif n’est par ailleurs pas à appréhender qu’à l’échelle de l’équipe (où les compatibilités techniques devront être complétées par des compatibilités psychologiques et comportementales) mais également à l’échelle de l’encadrement et du club dans sa diversité, non pas comme cellule isolée de son environnement mais comme cellule plongée dans son environnement.
Aussi, comment est-ce que cette cellule et ceux qui la composent nourrissent et entretiennent, à sa marge, les relations avec l’environnement ? Comment est-ce que la cellule veille à ce que ceux qui la composent continuent à être mis en situation de contribuer aux autres cellules qu’ils fréquentent ?
Comment est-ce que par ex. un club se préoccupe de l’évolution hors sportive (scolaire, professionnelle) de ses membres ? Plus englobant encore, comment est-ce qu’un club veille à la pleine connexion à la nature de ses membres ? doit il accepter plus longtemps que le lien à la nature vienne à être érodé par des pratiques consistant par exemple à faire le choix de pelouses synthétiques plutôt que de pelouses naturelles ?
Et voilà que s’ouvrent des considérations relatives au capital matériel qui dans le cadre d’un club se réfère notamment aux installations mises à disposition du sportif. Pour commencer, relevons que dans la quasi intégralité des cas en France, les clubs n’ont pas le contrôle de leur capital matériel, généralement mis à disposition par un tiers et partagé avec d’autres clubs. Ils en viennent à être projetés dans des univers qui ne correspondent pas à leur nature, à leur identité. Et alors ils s’ingénient à panser les plaies en installant et désinstallant des éléments de décorum comme on pose un décor dans un théâtre. Mais tandis que la production d’une pièce n’a d’autres vocations que d’être éphémère, un club est lui destiné à étendre son parcours sur des décennies. Dans des espaces sur lesquels il n'exerce aucun contrôle.
De ce déficit de maîtrise du capital matériel découle une dégradation du capital expérientiel, soit la faculté du club à présenter une représentation publique de ce qu’il est. Dans une enceinte qui n’est pas sous votre contrôle, comment prétendre parvenir à une représentation fidèle de ce que vous êtes (si tant est que vous soyez au clair sur ce que vous êtes, que vous ayez clairement défini votre raison d’être et votre mission) ? Et sans représentation fidèle, comment envisager jouer efficacement votre rôle de référence pour la jeunesse que vous prétendez emporter dans votre élan ?
Cette dégradation du capital expérientiel a évidemment un impact direct sur le capital financier. Les conditions de monétisation de la fonction spectaculaire sont érodées. La valeur s’en trouve dépréciée, conduisant à une compression des revenus que les clubs ont ignoré du fait de l’émergence de bulles spéculatives portées par des acteurs périphériques et notamment les TV. Longtemps, ils ont pensé que cette migration des valeurs se pérenniserait et traduisait une naturelle évolution, sans se rendre compte qu’elle les aliénait en les éloignant de leur fonction fondatrice. Avec la violente rupture de modèle résultant de la pandémie, les clubs sont maintenant placés dans l’urgence pour recomposer leur modèle, et bien démunis quant à la façon de procéder.
Il apparaît que tout peut être redynamisé en se ré-interrogeant sur les capitaux spirituel, intellectuel, culturel et social.
Le capital spirituel sera essentiel pour clarifier définitivement ce qu’est le club, sa nature, son caractère, ce que sont ses valeurs. Il conduira à l’élaboration de la raison d’être (le sens qui donne l’essence) en veillant au respect de l’héritage historique particulièrement prégnant dans les clubs. Évidemment, le club devra s’interroger sur la pleine réappropriation de ses fonctions fondatrices en veillant à ce que toutes soient couvertes avantageusement. La réflexion relative à la revitalisation de ce capital spirituel devra privilégier l’implication des parties prenantes, dans un esprit de co-construction et d’approximation. Ce chantier pourra avantageusement conduire, par exemple à l’ouverture du conseil d’administration aux plus prégnantes de ces parties prenantes.
Le capital intellectuel acquis (ou à acquérir en fonction des manques potentiellement identifiés) permettra notamment le partage efficient de ce capital spirituel clarifié. Il contribuera, par la capacité d’analyse et de discernement qu’il confèrera au club, à l’établissement de plans d’actions conduisant à ce que le capital spirituel soit communiqué à la communauté la plus large.
Ce partage opéré, les conditions seront réunies pour concrétiser le capital social du club, via le déploiement d’initiatives destinées à intensifier quantitativement et qualitativement les interactions entre toutes les parties prenantes. Dans le contexte des événements que porte naturellement le club, et notamment les rencontres sportives qui ne seront plus considérées comme la fin mais le moyen de renforcer le capital social. Mais aussi et surtout dans le contexte de nouvelles initiatives comme par ex. la réception de toutes les familles de licenciés en début de saison pour exposer des principes pédagogiques promus par le club ou la participation sincère du club à des moments forts de la vie de la communauté dans laquelle il évolue.
Par un management en intelligence collective fin et coordonné de l’ensemble de ces 8 capitaux, le club pourra prétendre parvenir à une maturité de gouvernance et de projet, creuset de son développement durable en pleine harmonie avec ses environnements.
Source :
Le Booksprint du Permanagement
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