Aujourd’hui, les ressources immatérielles sont largement reconnues comme une clé du développement et de la compétitivité des entreprises et organisations (compétence, confiance, santé/créativité/engagement dans le travail, pertinence de l’offre et de l’organisation). Pourtant, les entreprises et organisations peinent à rendre compte de la dynamique immatérielle de leur activité et des atouts que celle-ci leur permet de construire.
Si vous savez que vos actions ont un impact sur la performance de l’entreprise mais vous avez des difficultés à le démontrer en termes financiers, la valorisation du capital immatériel est la clé. La place de l’immatériel n'est plus à démontrer et représente maintenant en moyenne plus de deux tiers de la valeur d'une entreprise.
En lisant ceci, certaines questions peuvent nous venir à l'esprit, du type :
Comment appréhender de manière opérationnelle les ressources immatérielles stratégiques de l’entreprise et rendre compte de sa robustesse, de sa singularité et de sa vitalité : capacité d’innovation, satisfaction et fidélité des clients, capacité réflexive de l’organisation, réputation et notoriété, solidité de l’équipe de direction… ?
Quelles sont les spécificités des ressources immatérielles au regard des ressources matérielles ?
Comment repérer et évaluer les ressources immatérielles qui sont stratégiques pour l’entreprise ?
Quels leviers pour les prendre en compte?
Comment en rendre compte et favoriser le financement de l’entreprise selon les étapes de sa trajectoire de développement ?
Nous ne pourrons répondre à toutes ces questions du fait de la singularité de votre organisation, qui demanderait une évaluation plus poussée, cependant nous pouvons vous aider à définir les quelques et finalités et termes essentiels qui vous permettront d'aller plus loin, dans votre cheminement en tant qu'entreprise vers la notion de valeur (et non plus de prix).
Commençons par le début : QU’EST-CE-QUE LE CAPITAL IMMATÉRIEL ?
La valeur d’une entreprise repose sur ses actifs matériels et immatériels. Or, la comptabilité traditionnelle ne valorise pas ou très peu le capital immatériel, pourtant créateur de richesse. En effet, même si les sociétés cotées intègrent de plus en plus d’immatériels dans leur comptes (notamment depuis les récentes évolutions des IAS-IFRS : brevets, marques, propriétés intellectuelles, …), la plupart des entreprises ne mesurent pas aujourd'hui cet actif « gazeux » dans leur comptabilité.
Ce n’est qu’au moment d’une acquisition (ou cession) ou d’une introduction en bourse que cette valeur intangible de l’entreprise se révèle de façon intuitive et empirique par le prix de marché, à travers le montant des transactions ou de la capitalisation boursière. Dans ce cas, cet écart constaté au bilan comptable reste cependant approximatif, on parle alors de « goodwill » :
De façon plus générale, les dirigeants et managers ont maintenant intérêt à se pencher davantage sur les composantes et les mécanismes de création de cette valeur immatérielle, cette valeur immatérielle a en effet une tendance forte à se dégrader aujourd'hui, ce qui pourrait impacter substantiellement la cession de votre entreprise demain.
QUELLES SONT LES COMPOSANTES DE CET ACTIF ?
La base essentielle repose sur le capital humain. Sans cet actif « moteur », aucun autre capital ne saurait se développer. Selon l’Observatoire de l’Immatériel, ce que les dirigeants et employés construisent en terme de capital structurel interne à l’organisation («tout ce qui reste dans l’entreprise à la fin de la journée»), permet de bâtir un capital avec les parties prenantes de l’environnement externe («tout ce qui relie l’entreprise à son environnement»). Tous ces acteurs internes et externes sont interdépendants, évolutifs, et dynamiques ; ils sont complémentaires au capital matériel existant (bâtiments, bureaux, machines, équipements, véhicules, ..).
Sans vouloir proposer un référencement type, voici un repère visuel pour donner une clé de lecture et un sens commun à ces composantes évolutives et non limitées :
POURQUOI MESURER CE CAPITAL IMMATÉRIEL ?
Plusieurs raisons à cela :
Pour développer un instrument pérenne de management de la performance durable (concilier performances économiques et financières avec performances sociétales et environnementales, type RSE), pour piloter l’évolution et la qualité de son actif *
Pour mieux apprécier et communiquer la valeur globale de son entreprise, de façon systémique et holistique : évaluer et mesurer la valeur matérielle et immatérielle, ses forces et ses faiblesses.
Pour mieux décider en évaluant la rentabilité de projets, d’investissements ou d’actions à engager dans les domaines immatériels (changement organisationnel, développement commercial, recrutements, innovation, formation/coaching, nouveaux systèmes d’information, acquisition/cession d’actifs, make or buy, …)
Pour valoriser tous les gains issus de démarches d’amélioration (issus du Lean management par exemple, voir Finance lean et agile)
Pour synchroniser et relier les actions de management à la création de valeur (lien RH/Finance pour l’allocation et la gestion de ressources, les méthodes de management, le développement du leadership, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences GPEC, les systèmes de rémunération et de reconnaissance de la performance, la gestion du changement, les programmes de santé-hygiène-sécurité …)
Pour identifier, accompagner et reconnaître les actifs qui créent de la valeur
* Pour aller plus loin vers une comptabilité multi-capitaux : Nos sociétés actuelles raisonnent beaucoup en terme d'actif, car ils sont nécessaires au maintien du capital exclusivement financier de l'entreprise.
Cependant, vers une comptabilité multi-capitaux, une juste vision de la valeur suppose de raisonner en terme de passif lors de la constitution des capitaux naturels et sociaux -> cela nous amène à mesurer notre endettement vis-à-vis de la nature et de l'homme et de mettre en place une gestion d'investissements sains pour viser un désendettement qui seront favorables à notre création de valeur immatérielle (vision long terme).
COMMENT VALORISER LE CAPITAL IMMATERIEL ?
On combine en général les approches qualitatives, quantitatives et financières. De la stratégie, se déclinent des indicateurs socio-économiques selon une temporalité immédiate à court terme ou potentielle à moyen/long terme. Les actifs immatériels sont ensuite notés et pondérés selon une décomposition par critères, pour aboutir à une valorisation financière du capital immatériel : nous pouvons voir cela comme une limite à cette méthodologie qui valorise en euros des composantes qui on le sait ne devraient pas l'être : l'environnement, l'humain, etc.
Cependant, cette approche est intéressante du fait notamment de cette modélisation, qui va permettre de donner des tendances statistiques de valeurs immatérielles, et ainsi orienter les entreprises vers la mise en place de stratégies responsables, cohérentes et appropriées. Dans ce sens, elle peut servir à piloter les flux immatériels qui vont générer de la valeur et bénéficier aux capitaux naturel, humain et financier. Elle peut aussi permettre d'avoir une meilleure notion de la valeur de son entreprise, dans le cadre d'une évaluation lors d'une acquisition/cession.
Il ne peut donc s'agir que d'une approche complémentaire aux outils existants puisque elle aide à évaluer et mesurer les retours sur investissements immatériels pour guider et prioriser les décisions.
POUR CONCLURE
Les principaux enjeux de la gestion des immatériels sont de susciter aujourd'hui un retour sur investissement dans le capital immatériel. Cela se vérifie dans les entreprises qui la pratiquent, puisqu’ils génèrent généralement des profits futurs. C’est donc un enjeu clé pour les dirigeants, applicable à l'aide de méthodes fiables qui permettent de repérer, identifier, apprécier, mesurer, valoriser, enregistrer, tracer, suivre, piloter, préserver et partager les flux immatériels.
Cependant, il est important de noter que cela pré-suppose l’existence d’un modèle organisationnel stratégique (cadre dans lequel s’inscrit une démarche globale d’entreprise visant le meilleur : définir sa raison d'être), et une mentalité extra-comptable avec des outils de management adaptés et modulaires (permacomptabilité, lean accounting, holacratie, etc.).
La gestion des immatériels est compatible avec une comptabilité multi-capitaux, dans le sens où elle permet d'améliorer sa compréhension en terme de création de valeur socio-environnementale mais aussi financière, et permet d'aller plus loin dans la mise en place de stratégies responsables, pour le bien des générations futures.
Dans un esprit éthique, nous rajouterons cependant que cette gestion ne peut être compatible au quotidien des entreprises que si la finalité n'est pas de valoriser la nature et l'homme pour leur propre profit, mais si la finalité est de trouver des axes d'innovation pour maintenir les capitaux essentiels qu'ils soient naturels, humains ou financiers (voir approche en coûts historiques CARE TDL). Mettre en place cette approche supposera alors que l'entreprise se tourne vers un axe prioritaire de préservation des écosystèmes directement ou indirectement en lien avec son activité. Cette démarche sera systématiquement vecteur de valeurs positives, et induira en pratique des cash-flow positifs (voir Economie de la fonctionnalité).
Sources :
Alan FUSTEC – Bernard MAROIS (2006) : Valoriser le capital immatériel de l’entreprise – Editions d’Organisations
Laurent CAPPALLETTI (2012) : Le contrôle de gestion de l’immatériel – Dunod
Mary ADAMS – Michael OLEKSAK (2010) : Intangible capital – Putting knowledge to work in the 21st century organization
L’Observatoire de l’immatériel http://observatoire-immateriel.com/
Référentiel français de mesure de la valeur extra-financière et financière du capital immatériel des entreprises : Thésaurus-Bercy Volet 1 (2011) et Volet 2 (2015)
Ricol Lasteyrie Corporate Finance, membre du réseau EY (2016) : Profil financier du CAC 40 – 10ème édition
CARE TDL - Approche développée par Jacques Richard et Alexandre RAMBAULT
Le monde s'active pour faire apparaître des lectures extra-financières dans le pilotage des entreprises :
- la Commission Européenne a publié en 2019 une directive préconisant un Reporting Non Financier des entreprises de plus de 500 salariés : cliquer ici pour plus de précisions ;
- les IFRS commencent à mettre en œuvre une réflexion autour des INFRS (International Non-Financial Reporting Standards) ;
- la loi Pacte de 2020 propose aux entreprises françaises d’intégrer de manière concrète les enjeux sociétaux et environnementaux au cœur de leur stratégie ;
- la Chaire de Comptabilité Ecologique : https://www.chaire-comptabilite-ecologique.fr/ ;
- la Chaire Performances Multi-capitaux : https://faculte-recherche.audencia.com/chaires/performance-globale-multi-capitaux/
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